dimanche 28 septembre 2008

Selon Matthieu

Revu Selon Matthieu de Xavier Beauvois.
Je n'avais vu le film qu'une fois à sa sortie en 2000.
C'est peut-être le film de Xavier Beauvois dont la mise en scène est la plus fluide, la plus apaisée voire la plus maîtrisée.
Ca commence par des vues aériennes de la Normandie: les falaises, les maisons bourgeoises, la mer, puis des usines, puis la forêt. On plonge dans cette forêt pour une chasse organisée par le patron de l'usine où travaille Matthieu (Benoît Magimel), son frère, son père. Beauvois filme la battue puis l'attente avec une tension calme qui va parcourir tout le film. A l'issue de la chasse apparaît, de loin, la femme du patron (incarnée par Nathalie Baye), celle qui sera plus tard l'objet de la "chasse" de Matthieu.
Puis c'est l'usine. Une usine impeccable, propre, presque silencieuse. On y travaille avec des tee-shirts siglés au nom de l'entreprise, on pilote des machines outils avec des ordinateurs, on contrôle une pièce avec minutie. Une usine comme on en voit peu dans le cinéma français, loin de l'usine de cinéma, une usine d'aujourd'hui: chirurgicale, luisante, affûtée, tranchante... comme le sera d'ailleurs le licenciement du père.
La faute du père. Elle est montrée par Beauvois en un plan: un travelling léger, lent où le père allume une cigarette tranquillement. Dans ce plan on distingue un panneau d'interdiction de fumer, puis le patron de l'usine qui fait fait visiter les lieux. Dans ce seul plan, simple, mais tendu, précis, affûté le drame se noue. La faute est commise.

On sait à partir de là que nous sommes dans une tragédie, comme toujours chez Beauvois d'ailleurs, où chaque plan porte en lui tout la trame du drame. La mort, le gâchis sont à l'oeuvre.

Puis c'est le mariage d'Eric, le frère de Matthieu. Une longue et belle séquence où Beauvois saisit ici et là les temps forts d'un mariage de province comme si nous étions des lointains cousins conviés à la fête: la sortie de l'église, l'apéritif, le discours de la mariée, la jarretière, le bal.
Ici on prends son temps, comme on s'ennuie dans un mariage, comme on observe lorsqu'on s'ennuie. Même si Beauvois ne cache pas son plaisir de filmer ces moments si convenus d'un rite qui disent tant de la France, de ses traditions.
Seul Matthieu se rend compte que le père, le patriarche, le chêne se meurt au fond de la salle des fêtes. Et ce superbe plan où le père est à table, le regard dans le vague et ne voit pas ceux qui à quelques mètres lui proposent de trinquer. Le père, prostré, blessé, ruminant l'humiliation du licenciement. Et puis cette scène entre la père et Matthieu sur le parking de la salle des fêtes, où le père lui donne la lettre de licenciement et verbalise, constate la fin d'un monde pendant que derrière on chante, on danse, on boit, on oublie.

Beauvois prends acte de la défaite des syndicalistes, de la bêtise du directeur des ressources humaines, de la fin des relations sociales dans l'entreprises en quelques scènes. Il n'y a plus de collectif, il ne reste que des individus, il ne reste plus que la vengeance. La vengeance comme toute tragédie.

Matthieu va se venger en séduisant la femme du patron, en allant embrasser la bourgeoisie au plus près, en allant au plus près des bourreaux et en se laissant lui aussi séduire.
Et c'est même la femme du patron qui fait la leçon tranquillement à Matthieu en lui expliquant ce qu'est la mondialisation. Le ton est celui de la conversation à l'heure du thé, au moment où la brume s'abat sur la Normandie. Elle explique qu'il faut délocaliser en Corée pour rester concurrentiel, et Matthieu d'essayer de protester. Et elle de le calmer de son sourire, lui faisant presque croire qu'elle aussi (et sa classe sociale) est la victime de la mondialisation, de sorte que les deux amants sont à égalité, là, au milieu du salon feutré de la maison bourgeoise. Ils boivent le champagne, le dernier verre du condamné.
Cette scène est aujourd'hui un tantinet daté puisqu'on ne parle déjà plus (huit ans après) de la Corée mais de la Chine et bientôt qui sait de quel pays? Ce qui était encore en 2000 une démonstration est aujourd'hui une évidence tant le processus de la mondialisation est connu de tous. Cela rend aujourd'hui cette scène désuète, mais elle reprendra de la force dans quelques décennies, revenant sur les prémices de la mondialisation, elle fera de Selon Matthieu un témoignage de ce moment où ouvriers et patrons occidentaux prennent conscience du début du naufrage. Cette scène fera, avec le temps, de Selon Matthieu un classique.

mercredi 24 septembre 2008

FICTION (5)

120 minutes face à l'océan. Juste le temps d'oublier cette sensation d'être arrivé au bout du monde. Juste le temps d'apprécier toute l'étendue mouvante de cette masse d'eau qui s'avance lèche les pieds et reflue et revient et... Et qui pourrait me happer, m'engloutir.
Juste le temps de penser, comme à chaque fois et comme une sensation nouvelle, à l'immensité, à la profondeur, à la puissance de cette eau qui gonfle, se dilate, se contracte.  Penser à la vie qui s'y cache, à ses beautés colorées, à ses monstres rugueux, à ses cellules qui palpitent.
Regarder ce paysage inchangé, intact depuis des millénaires. Ce même paysage qu'ont regardés l'homme de néanderthal ou Christophe Colomb. Garder au fond des yeux cette image qui nous fascine depuis des millénaires. Penser aux naufragés, au baiser salé du dernier souffle. Se mesurer à cette force. Contempler le berceau de la race. Se caler un moment sur le rythme de la planète.  
Prendre un peu de sa force et repartir à sa vie.

vendredi 19 septembre 2008

Télérama cite Godard qui cite Bazin?


Avez-vous remarqué l'accroche de l'affiche de La Belle personne de Christophe Honoré?

"Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs" Télérama

Il est assez stupéfiant que l'affiche utilise cette phrase éculée, très connotée, et qu'en plus elle soit attribuée à Télérama!
Cette phrase ouvre rappelons-le Le Mépris de Jean-Luc Godard.
Cette phrase est souvent attribuée à Godard. Mais Godard l'attribuait à Bazin. 
Pourtant il semblerait que cette phrase soit de Michel Mourlet qui avait écrit: Le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs (dans son article Sur un art ignoré, Les Cahiers du cinéma n°98). (thanks Zorra! ;-)

Le distributeur (Le Pacte) n'a peur de rien. Prendre une phrase si célèbre, l'attribuer à Télérama à la place de Godard, ou Bazin. 
Le distributeur est donc un sacré petit malin...
Il a été souvent dit que Christophe Honoré jouait avec le souvenir de la Nouvelle Vague, essentiellement avec Dans Paris et Les Chansons d'amour. Certes.
Mais de là à s'approprier cette phrase venue du Mépris de Godard. Et de plagier quasiment l'affiche de La Chinoise (du même Godard), le sang et l'arme en moins... mais en ne se privant pas de la ressemblance de Léa Seydoux avec Anne Wiazemsky...

Le film, adapté de La Princesse de Clève de Madame de La Fayette, est donc vraiment post-moderne, jusque dans son affiche, jusque dans sa promotion!
Reste à aller voir le film pour s'en faire une idée.




Evolution


Curieuse coïncidence dans cette même semaine Rome, par un communiqué, reconnaît la théorie de l'évolution de Darwin; et Will Wright (Simcity, Les Sims) sort un jeu inspiré de la même théorie et intitulé Spore.

Alors je me demande qu'est-ce qui pousse la communauté catholique a enfin reconnaître la théorie de l'évolution au moment même où la communauté des gameurs va jouer à dieu plus que jamais auparavant.
Will Wright, le pape de la firme Maxis aurait-il offert la version béta de Spore à Monsieur XVI afin de le convaincre de la théorie de Darwin? Et par là même de prendre de prendre Monsieur XVI en flagrant délit de blasphème en se prenant pour dieu sur son ordinateur...

Will Wright et Monsieur XVI ont en tous cas en commun la même passion pour le virtuel... et peut-être le même attaché de presse!

mercredi 17 septembre 2008

FICTION (4)


Pourquoi y a t-il autant de blondes Rue Montorgueil?

Fatals flatteurs


Une bande de rigolos (non c'est pas du tout ironique, le terme me semble le bon) à décidé de se moquer des "intellectuels" français... Ce sont les fatals flatteurs.
L'idée est de squatter les tchats et forums des sites de presse (Libé, Le Nouvel obs, Le Monde, etc...) et de laisser des messages très flatteurs aux "spécialistes" et "intellectuels" conviés, soit: Alain Minc, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut. Une bien belle brochette!

Mieux que l'insulte (condamnable en justice), mieux que la tarte à la crème (condamnable elle aussi depuis une décision qui a fait jurisprudence), la flagornerie ne vous expose pas à des représailles. Imagine-t-on Alain Minc porter plainte contre l'auteur de cette phrase: Le cerveau d'Alain Minc est comme un volcan en surractivité. Cet homme est un phénomène rare. A quand un film sur la vie d'Alain Minc?
Je suis sûr que certaines victimes ont vraiment crû un instant que ces interventions étaient sincères. Un vrai shoot pour l'ego. 

Je vous laisse le plaisir d'aller lire le meilleur de ces perles ici et .

mardi 16 septembre 2008

Otages


Vous avez sans doute remarqué comme moi que le nain hargneux (son nom ne sera jamais écrit ici, par salubrité Googlesque) est obsédé par la libération des otages.
C'est tout de même intriguant... ce matin encore il se fend d'une déclaration solennelle indiquant que la France ne négociera pas avec les pirates et appelant les autres pays à réagir face à la recrudescence de ces actes. Ce matin encore il se mettait en avant suite à la libération du couple français pris en otage par des pirates au large de la Somalie. Et de réclamer "une police des mers"... sans doute pour aller nettoyer les pirates au kärcher !

Après les infirmières Bulgares retenues par son futur ami Khadafi (avec Cécilia en Mata-Hari sur le tarmac de Tripoli), après les membres de l'arche de Zoé "otages" de la justice tchadienne (avec le nabot excité en avion militaire), après Ingrid Bétancourt otage des FARC, après les journalistes pris en otage en Somalie, après l'équipage du Ponant, après ce couple libéré ce matin, quelle sera la prochaine mission du zébulon psychotique?
Libérer les astronautes américains retenus par les soviets dans la station Mir lorsque la guerre froide aura repris? Avec à la clé la création d'une police de l'espace?

Le porte-clé bling-bling à dû être traumatisé dans son enfance pour se préoccuper à ce point des otages quels qu'ils soient. Les psychanalystes ont de quoi se divertir avec lui...
Aurait-il été traumatisé, enfant, par un jeu de cache-cache avec son frère Guillaume (futur vice-président du MEDEF) où enfermé dans la cave le miniature de la famille fit le voeux de libérer tous les otages lorsqu'il serait "grand"?

Et souvenez-vous, cette passion n'est pas si récente. En 1993 une école maternelle de Neuilly est prise en otage par Human Bomb, et c'est le chihuahua qui brave caméra et explosifs pour aller chercher des enfants dans la classe: "Et là le petit noir, je le prends avec moi (il passe bien à l'image)".

Le bonzaï aime revêtir les habits du justicier...
Mais que fait-il des 60 millions de français qu'il tient en otage depuis un an et demi? Les libérera-t-il en 2012? Ou compte-t-il sur le syndrome de Stockholm dont témoigne sa remontée dans les sondages après la phase inévitable de détestation du ravisseur?

dimanche 14 septembre 2008

Dans la ville de Sylvia


J'ai passé l'après-midi à Strasbourg, à la terrasse d'un café. Il faisait beau, j'ai regardé les filles. J'ai suivit une fille que j'ai crû reconnaître. Je me suis trompé, je crois.
J'étais Dans la ville de Sylvia de José Luis Guerin et c'était bien.

Ne filmer que des nuques, des visages féminins de trois-quart, des filles qui refont un chignon, une tresse. J'ai toujours pensé qu'un tel film serait à la fois agréable à tourner, et agréable à voir. il faudra bien que je le fasse...
Dans la ville de Sylvia c'est un peu de cela. C'est prendre le temps d'observer les visages offerts, assis à la terrasse d'un café, un beau jour d'été. C'est se laisser entraîner par une femme dans les ruelles de Strasbourg qui finissent à ressembler à Barcelone. C'est apprécier les sons de la ville mouvante.

Dans le ville de Sylvia est ce que l'on peut appeler un film contemplatif. Mais le terme, appliqué à un film, est souvent devenu ces dernières années la promesse d'un ennui polit. 
On ne s'ennuie pourtant jamais à observer les visages à cette terrasse de café durant la première bobine du film. cette séquence magistralement mise en scène, d'une bonne quinzaine de minute se déguste à petite gorgées. On suit les micro-histoires d'une table à l'autre, on tente de deviner ce que peut penser tel visage muet et immobile, on saisit les bribes d'une conversation. Assis tranquillement à la terrasse on profite de la tiédeur du soleil, on observe le passage d'un vendeur ambulant, les reflets dans la vitre du café, le bourdonnement du tramway qui glisse un peu plus loin.
Un homme observe, comme nous. Nous savons qu'il s'agit du personnage principal, mais nous ne savons rien de lui. Et tant mieux. d'ailleurs on regrette juste le choix du comédien ou plutôt de son physique de jeune premier romantique, de bellâtre (avec trop de cheveux, à mon avis...), avec cette chemise en lin ouverte sur le torse. On regrette ce choix d'un visage si beau, si lisse, si pur. 

On se laisse entraîner dans la ville, dans les petites rues. A la "poursuite" de cette silhouette qui semble flotter dans la ville. On prends plaisir à croire que l'on comprends la géographie de la ville, et à s'apperçevoir au plan suivant que nous sommes perdus.
José Luis Guerin fait certes le choix de la contemplation, ou disons d'une certaine quiétude, mais sans systématisme. ses choix seraient plutôt rythmiques, musicaux, sensuels. Autant il étire un plan jusqu'à la sortie lointaine du personnage, autant il peut ensuite nous surprendre et couper le plan beaucoup plus tôt par la suite. Il n'y a donc pas de système, il écoute simplement la musique intérieure du film.
On est bluffé par la discrète réussite des déplacements des personnages et des passants (doit-on parler ici de figurants?). Tout glisse, se meut avec délicatesse.
Trop parfois? Peut-être un peu, allez... Si nous étions mauvaise langue on pourrait dire que le film est très "circulation douce" (les vélos, les rollers, les passants, le tramway, quasiment pas de voitures) et qu'il suggère une ville idéale possible, à la Delanoë. Mais là je pinaille.

Il y a encore cette superbe séquence dans le tramway où c'est la ville cette fois qui est mouvante autour des personnages. (j'ai bien sûr pensé au tramway dans Sunrise, et au tramway de Père et fils de Sokourov où Moscou ressemble à Lisbonne)
Elle et lui se tenants à une barre en hauteur (hors cadre) et la ville derrière eux (plein cadre). Et puis ce dialogue (?) superbe entre eux deux. Le seul du film.

Et cette séquence de boite de nuit, sur fond de Blondie (Heart of glass). Belle comme une fin de journée où l'on tente une dernière chance pour trouver un corps aimant.

Et puis il y a ce superbe plan de cette fille de dos, les cheveux soulevés par le vent, comme électrisés. 

Et José Luis Guerin de dire dans le dossier de presse: "C'est un fantasme récurrent chez les hommes. Il y a toujours une passante que nous regrettons de ne pas avoir abordé à un moment de notre vie". A qui le dis-tu! Mais les femmes n'ont pas ce fantasme? Mince alors... nous sommes seuls à regretter?

Je suis prêt à parier que les spectateurs qui étaient dans cette salle du Reflet Medicis, pleine à craquer (!), ont fait comme moi en sortant. Ils ont marchés, ils ont pris le vélo ou le bus. Ils ont profité de la tiédeur des rayons de cette fin d'après-midi pour glisser dans la ville.

Je me suis arrêté sur le Pont au Change. Le soleil sur la nuque. Il y avait une jolie fille accoudée au parapet, à deux mètres de moi. Elle regardait la Seine. Moi aussi. Un regard échangé.
Quelques minutes plus tard elle partait.
Je ne l'ai pas suivit... maybe next time baby...

mercredi 10 septembre 2008

Inju


Ca commence comme une série B asiatique des années 50, et pour cause le film débute par une mise en abyme, un film dans le film. Ouf, j'ai eu tout de même un peu peur (pas parce que c'est censé faire peur, mais plutôt parce je ne m'attendais pas à ça).
Le problème c'est que ça continue comme une série B d'aujourd'hui.
Tout semble faux, le faux début bien sûr, mais même le personnage principal. On ne croit pas une seconde à cet Alexandre Fayard (malgré le nom d'éditeur... hahaha...) star du roman à suspens qui se rend au Japon où il est censé être accueillit comme un dieu. D'ailleurs Benoît Magimel ne semble pas vraiment y croire lui non plus. Il fait semblant d'être à l'aise dans le rôle, tout comme le film fait semblant d'être haletant.

Le personnage est censé être menacé par un autre auteur à succès (japonais celui-là) et tout ce que nous voyons de cette menace ce sont au choix des rêves d'Alexandre Fayard (une autre mise en abyme), soit une voix (au téléphone, en direct dans une émission de télé, via des lettres...) qui lui dit de rentrer fissa en France. D'ailleurs le personnage n'y croit pas vraiment et nous non plus! Et pourtant il s'y intéresse (le personnage, pas le comédien) et moi je fait semblant aussi ne sachant pas si mon accompagnatrice aime le film ou pas (sinon je serais parti).

Ha et puis il y a une Geiko (ou Geisha pour faire plus précis que Spielberg... hahaha...). elle est assez belle disons, mais ça s'arrête là. Elle surjoue sans arrêt la peur face à la menace qui pèse sur elle. Elle surjoue et pourtant cet Alexandre Fayard se laisse embarquer (elle est belle, je sais)!
A ce moment là, alors que l'on vient de s'ennuyer poliment pendant 45 mn environ, on se dit que ce sont les scène sado-maso qui vont tout emporter, plonger les personnages dans une véritable abyme. Et bien non. Autant la danse de la Geiko semble documentée et juste (pour ce que nous en savons) autant les scènes sado-maso à la japonaise se limitent au strict cliché (pour ce que nous en savons).

De pseudos rebondissements en pseudos retournements on arrive péniblement à la fin qui ne nous épargne hélas pas une dernière explication sur ce que nous venons de "voir". On en ressort en se disant que la rentrée de Benoît Magimel semble bien mal engagée.

mardi 9 septembre 2008

FICTION (3)


Je dormais mal depuis qu'elle était partie. Je n'avais plus l'habitude de dormir seul.
Parfois la nuit je la cherchais avec ma main et ne trouvais que la moitié froide du matelas.
Son odeur subsistait, malgré les lessives successives des draps. Son empreinte était donc plus profonde que je ne le croyais.

Elle était encore là, dans les fibres du tissus du matelas. Elle n'était pas seule à vrai dire. On pouvait encore distinguer les odeurs d'autres filles. Me revenais alors en mémoire des visages, des corps, des textures de peau. Des prénoms.

Il fallait que je me sépare de ce matelas devenu trop encombrant.
Un matin je descendait le matelas sur le trottoir. Je passais une partie de la journée à le regarder de derrière la vitre de la fenêtre. Le matelas était posé contre un mur, exposé aux regards des inconnus. En fin d'après-midi le camion des encombrants passait et l'emportait.

C'était l'été, il faisait très chaud et je passais la nuit sur le sommier.
Le lendemain j'allais acheter un territoire neuf.

lundi 8 septembre 2008

Le Silence de Lorna

J'ai vu presque tous les films des frères Dardenne (sauf L'Enfant en fait). Et je dois dire que ce n'est pas vraiment ma tasse de thé.

Mais Le Silence de Lorna m'a vraiment impressionné. J'avais du mal dans leurs précédents films avec cette caméra à l'épaule qui suivait les personnages sur leur dos, sur leur épaule même. Je n'aimais pas que nous soyons systématiquement embarqués de cette façon avec le personnage.
Dans ce dernier film ils ont, me semble-t-il, trouvés la bonne distance physique avec leur personnage. Nous suivons Lorna, nous l'accompagnons dans chacun des ses mouvement, dans chacune de ses décisions mais à la bonne distance physique. Celle qui nous permet d'être à la fois dans son regard (et non prisonnier de son regard), mais en nous laissant libre de regarder autour, de nous échapper parfois. 

Et puis il y a le scénario, impressionnant. Parce que juste, toujours juste, rien ne semble forcé. Chaque décision du personnage nous semble naturelle, évidente.
Pour une fois il me semble que les Dardenne se confrontent réellement au monde d'aujourd'hui dans ce qu'il a de vaste. L'utilisation du téléphone portable dans ce qu'il permet de lier mais aussi de surveiller, d'emprisonner en est un des exemples. 
Aussi je trouve que pour une fois ils ne se laissent pas aller à un certain misérabilisme qui me mettait parfois mal à l'aise (voir la séquence de la bobonne de gaz dans Rosetta).
Ils parviennent à parler de l'immigration, et de la globalisation, des flux de circulation de façon beaucoup plus subtile que dans beaucoup de films qui se veulent réalistes.
Lorna est sans cesse confronté au prix de sa vie, de sa liberté par rapport au prix d'un autre être humain. La question de savoir ce que vaut la vie de chacun en fonction de la place qu'il occupe est ici cruellement posée.

Habitué à la vie


Michel Houellebecq dans Technikart:

"Les gens que j'ai connu jeunes sont maintenant installés dans un mode de vie. Pas moi. ils se sont habitués à la vie, ont cessés de penser."

Plus loin:

"Je ne suis pas déprimé ou frustré, mais la vie vous dit sans arrêt, et de plus en plus fort: Contente-toi de ce que tu peux avoir. Des gens finissent par obéir.


FICTION (2)

Je viens de reçevoir un mail. Je tente de trouver, de déchiffrer ce qui peut se lire entre les lignes. ou plutôt ce qui est contenu dans les points de suspension...
Ces trois point qui laissent imaginer la suite, qui évanouissent une partie de la pensée.

Et puis je suis attentif au début du mail:
(Rien, le mail commence abruptement) (détestable, on est pas des chiens quand même!)
salut, (impersonnel)
Sébastien, (parfait)

Et je regarde ensuite la fin:
(Rien, le mail ce termine abruptement) (détestable, on est pas des chiens quand même!)
Bizzz (détestable)
Bises (hum)
Je t'embrasse (adorable)

Donc l'analyse du mail:
Le début + ce qui semble être contenu dans les points de suspensions + La fin

Cops

J'étais à Barbès. Soudain un policier sort d'une voiture, il court, me frôle et se jette sur un homme qu'il plaque contre une des piles du métro aérien.
Il est rejoint par un autre policier puis un autre, puis se sont cinq voitures de police, pas moins, qui débarquent toutes sirènes hurlantes.
Les passants s'arrêtent, observent. Moi aussi.
L'homme plaqué contre le mur proteste, se débat. L'homme est âgé d'une cinquantaine d'années, petit, corpulent, de type nord-africain comme disent les policiers.
L'homme est mis à terre, le visage plaqué sur le bitume recouvert de déjections de pigeons.
Un policier le maintient à terre avec un genoux sur le dos. L'homme se plaint, demande pourquoi il est arrêté. Le policier s'énerve tandis que sont collègue tente de lui passer les menotes.
Le policier réponds (en le tutoyant) qu'il sait très bien pourquoi il est arrêté.
Un groupe compact de passants s'est formé autour de la scène. Un homme puis un autre protestent contre la violence de l'arrestation. un troisième policier réponds: "Vas le dire à la femme à qui il a planté un couteau dans le ventre...". L'homme ne se démonte pas et argumente que ce n'est pas une raison de la traiter ainsi, le tutoyer, le traîner par terre. Les policiers sont nerveux, les tonfas (matraques) et les flash-balls sont en main. Ils repoussent la foule massée autour d'eux. Soudain un des policiers lance à la foule: "Allez on dégage les pédés!". Un homme s'énerve, le ton monte et voilà le passant nez à nez, quasiment front contre front avec un policier.
Pendant ce temps on jette l'homme interpellé dans une voiture. On repousse encore les passants, avec une tonfa deux policiers démontent le stand d'un vendeur de maïs grillé.
La police repart finalement assez vite, sentant que la situation peut dégénérer.

Il y a quelques années ceci ne se serait pas déroulé ainsi. On le sent bien il y a un décalage de plus en plus grand entre la police et la population. Auparavant on laissait les policiers travailler. serait-ce une sorte de vigilance citoyenne? Peut-être, et tant mieux dans ce cas, mais pourquoi cette vigilance? 
Parce que la suspicion est de mise.
Il faut dire que la violence de plus en plus manifeste des arrestations, le tutoiement systématique, l'arrogance des policiers, et la sensation qu'une certaine population est visée n'arrange rien. Aujourd'hui on ne se sent plus en sécurité près de la police.
des "incidents" récents, quasiment pas relayés par les médias (et surtout pas la télévision), prouve qu'il y a une volonté de mettre de l'ordre dans la population, d'empêcher tout rassemblement comme si cela constituait une menace. Parmi ces "incidents" récents on peut citer la charge contre des lycéens fêtants tranquillement le baccalauréat sur le Champs-de-Mars: lacrymogènes, matraques, flash-balls, insultes. Et aussi le concert associatif qui finit mal à la Goutte d'Or, suite à une mauvaise interprétation de la part des policiers sur un petit mouvement de foule qui n'était rien d'autre qu'un jeu entre jeunes, en toute camaraderie. Là encore: lacrymogènes, matraques, etc...

La police perd son sang froid. La police n'a plus la confiance de la population.
Ce sont de mauvais signes, parmi ceux déjà nombreux,  qui témoignent de l'écart qui se creuse chaque jour entre l'état et le peuple.

FICTION (1)

J'allais me coucher. Alors que je déboutonnais ma chemise, je m'arrêtais devant le lit pour la regarder. Elle dormait profondément, allongée de tout son long sous la couette. Elle avait pris toute la place possible, sa tête dépassant de la couette.
Je regardais quelques instant son visage, apaisé, lisse, détendu.

Il fallait qu'elle se sente bien, là, dans mon lit. Son visage, la décontraction de son corps témoignait de sa quiétude, de sa confiance envers moi.