mardi 14 avril 2009

Penser la vitesse

Cette nuit j'ai regardé le documentaire de Stéphane Paoli, Paul Virilio, Penser la vitesse. Il faut rappeler que Virilio est d'abord un urbaniste et qu'il s'est "reconverti" en philosophe alors que la pensée française semblait (semble encore?) en panne de nouveaux penseurs et de bons clients télévisuels.

Le documentaire de Paoli se présente finalement comme un catalogue des catastrophes récentes ou possibles dans un avenir proche. Le principe de Virilio est résumé ainsi: Le progrès et la catastrophe sont les deux revers d'une même médaille. Inventer l'A380 qui peut transporter 1000 passagers c'est inventer l'accident de 1000 personnes.
Bon, là on tique un peu. Ce n'est donc que ça? Oui c'est aussi simple que cela. Et les exemples sont multipliables presque à l'infini. L'autre idée de Virilio est que le monde s'est enfermé dans le village global, un monde devenu trop petit, les distances étants raccourcies par la vitesse. Vitesse de déplacement physique, déplacement de l'information, les évènements devenants planétaires.
Là oui, pourquoi pas. La possibilité inédite dans l'histoire de l'humanité d'accéder à l'information mondiale en simultané et à une vitesse que nous ne pouvons nous représenter amène sans doute à une saturation vertigineuse de stimulis. Et là naît une sorte de grande peur qui saisit le monde face à la vitesse qu'il a lui même créé et qu'il ne sait plus maîtriser.

Un chercheur souligne que nous avons créé des machines capables de milliards d'opérations en nanosecondes. Il explique que le temps de la finance (oui, le film raccroche les wagons avec l'actualité proche) n'est plus un temps perceptible par le cerveau humain et qu'il nous dépasse: les opérations étants automatisées, enchaînées et globalisées au niveau de la planète. Il souligne également que le temps de l'économie (celui des entreprises, donc des hommes) n'a pas vraiment changé. En bref, l'homme ne maîtrise plus la vitesse et est donc à la merci de l'accident.

Parmi les moments intéressants du documentaire celui où Paoli revient sur la lente agonie de la petite Omaya en 1985 devant les caméras du monde entier (le premier reality-show sans doute, dans toute sa morgue, qui disait bien en un plan fixe ce qu'allait devenir la télévision), il parle alors de la globalisation de l'émotion. Attention âmes sensibles, il y a là aussi une intervention de l'insupportable Dominique Wolton (plus loin, autant prévenir, vous aurez droit à Jacques Attali).

Autre moment incontournable, le 11 septembre. Paoli et Virilio reviennent sur ce qui est la catastrophe fondatrice du XXIème siècle. Cette sorte de superproduction hollywoodienne (un film catastrophe 70's high-tech) et l'incrédulité de la planète entière, en direct, au même instant devant des images qui semblent iréelles. D'ailleurs l'évènement est tellement fort qu'il ne faut pas s'étonner que certains prétendent qu'il n'ai pas eu lieu. Moi-même à chaque fois que je revois la perfection de l'image (et de l'acte) du deuxième avion qui s'encastre dans la tour, j'ai peine à y croire (y "croire"). Ce que ne dit pas le film et c'est dommage c'est que le 11 septembre est un évènement rapide dans son exécution mais sans doute long et minutieux dans sa préparation mais qu'il se prolonge, un peu comme si aujourd'hui encore les tours continuaient à s'effondrer de façon invibles, et au ralenti (cette fois) au coeur de Manhatan en ensevelissant le monde (la défaite américaine en Irak, l'élection d'Obama, la chute des bourses... to be continued).

Lorsque certains intervenants parlent de notre impossibilité à absorber cette vitesse de l'évènement, de l'information, du calcul de la machine. Ils escamotent (ou Paoli sans doute) les nouvelles technologies biologiques et la possibilité bientôt proche de créer un homme quasi immortel (rectifictions des défaillances de l'ADN, greffes, etc...) et donc la possibilité future d'infléchir notre rapport au temps et donc sensiblement à la vitesse.

Paul Virilio constate et il le fait plutôt bien. Mais que propose-t-il? Rien. Il se défends sans arrêt d'être néagtif ou désespéré mais quels outils propose-t-il à son époque pour affronter cette vitesse inédite et ce monde nouveau. Monde nouveau où les idéologies sont dites finies (on oublie un peu vite l'islamisme... mais aussi le capitalisme qui prolonge ses derniers (?) soubresauts), où la conquêtes de nouveaux espaces est quasiment abandonnée (la conquête de l'espace semble bien déceptive) si ce n'est à travers les colonies virtuelles (dixit Virilio).

Le film se termine dans la chapelle conçue en 1962 par Claude Parent et Paul Virilio, une sorte de bunker (la référence est très explicite et assumée) de béton. Paul Virilio se dévoile alors en chrétien qu'il est, lui au dernier quart de sa vie, espérant à travers les mots de Paul Léautaut (j'attends la mort avec une immense curiosité), un autre monde qui sera le dernier pour chacun de nous.
Le film aborde en tout dernier la création de l'accélérateur de particules du CEA. Virilio dénonce l'arrogance des scientifiques qui veulent se hisser au rang de "dieu" en cherchant à recréer le big bang originel. Il met en garde contre le risque de trou noir qui pourrait engloutir la terre. Là on ne peut que se dire que Paul Virilio est rattrapé par les peurs millénaristes qu'il a étudié.

Virilio dont il est dit dans le commentaire qu'il fût un proche de Deleuze, Barthes, Baudrillard, nous laisse donc démunis, ne faisant qu'un constat sombre de l'état de l'humanité. C'est sans doute la preuve de Virilio fait partie des anciennes gloires de la pensée française dont il fût proche et que son malheur est d'être encore là dans une époque face à laquelle il ne propose aucun outil pour affronter sa vitesse.

lundi 13 avril 2009

FICTION (18)


Personne n'a su, personne ne saura. Sauf nous deux. Même après ces lignes.

Personne ne saura, comment, elle a rejeté ses bras en arrière, comment elle aura étiré son corps. Vous n'avez pas vu mes mains sur ses hanches, sur son ventre, et puis ses mains à elle posées sur les miennes. Vous ne pourrez pas imaginer ces regards croisés, derrière ses cheveux. Regards tantôt timides, tantôt frondeurs, tantôt rieurs.

Et puis la force de nos bras serrants nos corps l'un contre l'autre. Et l'oubli du monde à cet instant.
L'oubli de tout ce qui coupe, blesse, tue chaque jour.
A cet instant là elle est reine, je suis roi d'un royaume de draps.

Puis elle se lève pour changer la musique. The End des Doors. Drôle de choix, elle seule sait pourquoi, ou pas.
Elle reste assise sur le bord du lit, en appuis sur ses bras en arrière, regard perdu, ailleurs. Silencieuse et mystérieuse, dense comme souvent.

Un baiser.

Elle se lève et remet son soutien gorge. Dans le gris-bleu de la chambre, sa silhouette Balthusienne. Les gestes précis, concentrés, elle se rhabille.

Elle dit: "Tu vois ça n'existe pas une (elle et moi connaissons la suite)"