mercredi 31 décembre 2008

FICTION (15)

A quelques heures d'une année que tout le monde annonce comme difficile, chacun fait ses voeux secrets.
Dans la démarche pressée par le froid, dans les visages crispés des passants on peut lire une inquiétude.
L'inquiétude serait exorcisée dans les dernière heures de l'année par les alcools, qui seraient comme la dernière cigarette du condamné.

Finalement égoïstement je ne formulais que des voeux intimes, bien plus petits que le vaste monde mais qui suffiraient à me réchauffer.
J'essayais de distinguer ce visage que je sens tout proche, là dans l'ombre. Ce visage dont je ne distinguait pas encore bien les traits. Mais l'intuition d'une présence toute proche me rassurait.
Elle était là c'est sûr, toute proche.
Et les mois qui viennent allaient voir nos corps se réchauffer pendant que tout autour de nous le monde s'effondre en silence.

mardi 23 décembre 2008

FICTION (14)

Mon amour m'a baisé
de Benjamin Biolay in A l'origine



Découvrez Benjamin Biolay!

dimanche 14 décembre 2008

FICTION (13)

Comme je ne sais plus quoi répondre, je ne réponds pas. Comme je suis épuisé, je n'ai pas envie de m'épuiser plus. Comme je ne sais pas ce qu'il faudrait changer, je ne change rien.
Et je laisse les choses se passer... Je les laisse glisser.

Non pas que je n'en pense rien, non pas que je m'en fiche. Loin de là.

Simplement parce que je pense que les vents contraires sont trop forts, et qu'il est doux de se laisser dériver parfois.

dimanche 30 novembre 2008

Avertissement?

Vu dans le métro aujourd'hui, ligne 4...

C'est pour bientôt?

samedi 29 novembre 2008

Two lovers

J'avais envie de me réchauffer devant une belle histoire d'amour (hé oui ça arrive...) et j'ai vu un film auquel je ne m'attendais pas vraiment. Qu'est-ce que j'attendais? Ho je sais plus...
Mais le film m'a décontenancé dès le début. Ce faux suicide et ce sinistre appartement de parents, et surtout ce personnage pas vraiment aimable auquel on a pas vraiment envie de ressembler.
Et puis c'est lorsque les femmes paraissent que le film commence à vivre. Et là je me suis senti comme le personnage de Joaquin Phoenix... pas insensible au charme de Vinessa Shaw. 
Cette fille qui déboule dans sa chambre et qui s'intéresse et cette façon quelle a de le regarder. C'est presque trop facile... et on craque forcément.
Mais il y aussi la voisine, Gwyneth Paltrow et là dès qu'elle apparaît on a envie de l'embrasser.
Comme Joaquin Phoenix en somme.
Et c'est (pour moi) la force du film. Me mettre face à cette ambivalence permanente face à ces deux femmes. Entre la raison avec cette belle et aimante femme, et le coeur avec cette fille un peu folle, un peu fragile.
Ce tiraillement si simple, banal, James Gray le retranscrit très bien.
Peut-être attendais-je quelque chose de plus romanesque, de moins sec. Et de moins classique dans la mise en scène. Parce que là on peut dire que c'est ultra-classique. même si c'est très réussit lorsqu'il tente le plan-séquence notamment dans cette superbe scène entre Phoenix et Paltrow sur le toit. Là on sent toute la détresse du personnage et on ne peux que s'y identifier, repenser à des choses connues.
Le faux suspense du départ avec Paltrow me semble un peu too much... téléphoné. Et puis je ne peux adhérer à cette fin "familliariste", même si bien sûr c'est impossible autrement me semble-t-il pour James Gray.
Je sui sorti du film un peu déçu finalement et curieusement le film m'a un peu travaillé par la suite. Et il s'est embellit dans mon souvenir... ce qui me fait dire que ce doit être le même phénomène qui a touché les journalistes qui avaient unanimement rejetés le film à cannes et l'encensent aujourd'hui...

Yes we can...

Jeudi après-midi, à Chateau d'eau, à Paris, une affiche accroche mon regard. Il s'agit d'un pastiche d'une affiche de Barack Obama, sauf que le visage stylisé est celui de notre Talonettes 1er...
Sous le visage, une phrase: "Créer 3 millions d'emplois non délocalisables" et dessous, le slogan "yes we can!".
Plusieurs affiches sont collées l'une à côté de l'autre, identiques, sauf la proposition qui change: "Permettre à chaque famille d'économiser 1000€ par an" et encore "yes we can!". 
Je m'arrête devant les affiches, je cherche un logo de l'UMP ou un autre logo, une quelconque signature. Rien. Je repars en me disant que Talonettes 1er est décidément gonflé et sacrément opportuniste.
Plus tard je repense à ces slogans et à l'absence de "signature". Je me dis qu'il doit s'agir d'une action ironique voire terroriste comme ne va pas tarder à le dire sans doute la ministre de l'intérieur qui voit des terroristes partout.
prenez la phrase "Créer 3 millions d'emplois non délocalisables". Il faut être assez gonflé pour dire cela le jour où le pays compte plus de deux millions de chômeurs et se trouve en pleine crise économique! C'est sûr cette phrase est ironique...
Prenez la phrase: "Permettre à chaque famille d'économiser 1000€ par an". C'est tout à fait le type de démagogie dont est capable Talonettes 1er, en jouant sur le bon sentiment, sur la connivence qui nous dit: "je n'en demande pas beaucoup plus, je sais que 1000€ est une somme importante pour beaucoup de français". Oui il aurait pû le dire... Et cette phrase est en plus insultante de la part de quelqu'un pour qui 1000€ ne signifie rien, qui a nommé une ministre de la justice qui porte des bagues à 15 000€.

Il s'agit donc bien d'une supercherie, mais bien plus maline, que n'importe quelle affiche contestataire car elle pastiche un style, émet une confusion possible et met au jour exactement la démagogie de Talonettes 1er qui se rêve aussi en Obama français.
J'attends donc l'interpellation au petit matin des colleurs d'affiches, et leur mise en examen immédiate pour entreprise terroriste.
puisqu'il semble qu'aujourd'hui se soit à la mode (mais j'y reviendrais dans quelques jours).

dimanche 23 novembre 2008

FICTION (12)

Louise by Syd Matters
in Ghost Days



Découvrez Syd Matters!

FICTION (11)

Ne plus parler. Passer des journées ensemble sans rien dire. Ne plus avoir peur du silence entre deux êtres. Elle disait qu'elle était d'accord, elle disait que c'était ça aussi qui tuait les couples, cette sensation de se sentir obligé de parler. Et souvent parler pour ne rien dire, juste pour échapper au silence culpabilisant. 
Oui c'est ça, il ne faudrait pas parler tout le temps. laisser passer de longs hivers dans la communication entre les êtres. Etre juste présent, être ensemble, sans parler.
Juste sentir ce temps et ce silence qui passe comme un courant d'air ou un courant électrique. Et ça, ce serait juste bien, suffisant.
Et ce moment, cette qualité, serait rare. A goûter avec délectation.

mardi 18 novembre 2008

Mesrine, l'instinct de mort

Comme beaucoup j'attendais ce film sur Mesrine après avoir lu de longs passages de son autobiographie, L'instinct de mort.
Finalement je me suis ennuyé passablement devant le film alors qu'il y avait dans le livre une sorte de fièvre lorsque Mesrine racontait son parcours. Je n'ai toujours vu que Cassel, et trop peu Mesrine dans ce film. Enfin dans cette moitié de film puisqu'il s'agit vraiment d'une partie de film et non pas d'un volet. Donc je me prononcerais plus sûrement après avoir vu la seconde partie dans les jours qui viennent.
Toutefois le film me pose des problèmes dans sa façon d'aborder le personnage, et dans sa mise en scène.
Si je ne vois que Cassel c'est peut-être justement parce que dans cette première partie Mesrine n'existe pas encore vraiment. je veux dire par là que Mesrine, le personnage que l'on "connaît", n'est pas encore tout à fait né. peut-être... l'hypothèse reste à vérifier. Même si j'ai toujours du mal avec Cassel qui, pour moi, ne s'efface jamais derrière un rôle si ce n'est parfois dans Sur mes lèvres de Jacques Audiard. J'ai toujours l'impression de voir Cassel qui nous fait une démonstration de force, de toute puissance de sa présence. Et puis j'ai le sentiment que dans ce cas il n'aime pas son personnage... il n'aime pas Mesrine. On pense ce que l'on veut de Mesrine mais il faut bien, pour interpréter un rôle, l'aimer un peu. Aimer au moins l'homme même si l'on ne cautionne pas tout ses actes, même si on ne le comprends pas toujours. Et là je voit Cassel nous dire en permanence "Je joue Mesrine, mais attention je cautionne pas, hein?". Je pense que Cassel est bien trop straight pour défendre la trajectoire de Mesrine et qu'il préfère rester politiquement correct en se mettant à distance d'un personnage dont il ne veut défendre aucun acte. et ça me gêne tout le long du film.
Le fait que le film soit réalisé par Jean-François Richet était là aussi une promesse d'énergie. Mais malheureusement je trouve que Richet perd beaucoup d'énergie à remuer sa caméra sans arrêt, à zoomer, à recadrer dans le style caméra embarquée au coeur de l'action qu'à nous donner le plaisir, l'ivresse que pouvait ressentir Mesrine à chacun de ses coups. Là encore je pense que Richet se méfie de Mesrine, qu'il ne l'aime pas suffisamment. Même simplement pour essayer de l'approcher, tenter de le comprendre.
Que reste t-il quelques jours après la projection? Peu de choses, peu de scènes, peu de plaisir.
Peut-être une émotion, une seule en deux heures, au moment où Mesrine téléphone à sa compagne et lui dit qu'il va venir la chercher, la sortir de sa prison, et où elle le supplie de ne pas le faire et lui dit que c'est terminé entre eux. Là le split-screen sert vraiment le film et les acteurs, en les séparant au propre comme au figuré, en mettant côte à côte ces deux visages.
D'ailleurs il faut souligner la belle prestation de Cécile de France, méconnaissable pour le coup, esquissant en quelques scènes un vrai personnage, qui existe plus que tous les autres.
Il me reste en tête aussi cette scène vers la fin, où il y a ce moment d'hésitation, de peur, juste avant d'abattre les deux gardes forestiers. Pour une fois on sent Mesrine, sa tension, son hésitation. Et la mise en scène, calme, précise, me semble totalement réussie grâce à  ce triangle Mesrine-Mercier-Les gardes au milieu duquel se trouve, prisonnière la compagne de Mercier.
Mais comment pardonner ces scènes ridicules plus tôt dans le film?
La séquence de générique avec force split-screen sensé muscler, tendre une tension qui n'existe en fait jamais au coeur du plan. Et cette première phrase inaudible de Mesrine dans la voiture (une clé? rendre inaudible la voix de Mesrine?...).
Ou encore cette scène ridicule où il baise avec une prostituée et où il lui parle en même temps.
Et puis la scène du dîner familial, toc au possible. Ou cette scène où apparaît Guido (Depardieu) et où on se croirait dans une parodie de film de gangster franchouillard.
D'ailleurs la simple présence de Depardieu dans ce rôle m'agace. Je le trouve mauvais comme rarement (et pourtant on a eu des occasions de le voir mauvais!). J'aurais vraiment aimé voir Guido sous les traits d'un acteur inconnu, plus arride, plus rèche. Je préfère ne même pas m'étendre sur l'insupportable Gilles Lellouche...
Et puis il y a cette lumière baveuse, criarde, appuyée qui (surtout dans la première moitié du film) donne un ton Le fabuleux destin de Jacques Mesrine... Même si cela s'arrange un peu avec la lumière naturelle des scènes au Canada.

J'irai voir la suite du film, pour une vision d'ensemble et peut-être être plus juste avec  un film qui pour l'instant m'a passablement ennuyé.

jeudi 13 novembre 2008

L'ennui des adolescentes

Je ne suis pas un grand fan de l'hypothèse qui prétend que l'adolescence est la période la plus difficile de la vie. Sans doute parce qu'il me semble (contrairement à la majorité, qui sans doute embellit ses souvenirs) que l'enfance est plus difficile car on est plus que jamais tributaire de la décision de ses parents sur ce que l'on va faire, manger, voir, entendre, etc... Alors que l'adolescence me semble être la période de l'éveil, de la découverte du monde (aussi laid et/ou beau soit-il). J'ai souvent l'impression que l'adolescence est trop souvent définie comme une maladie et non pas comme - simplement - une courte période déterminante voire libératrice.
Sans doute avons nous trop étés abreuvés des théories de Françoise Dolto (l'adolescent comparé au homard, laissez moi rire) et que l'invention de l'adolescence en tant que maladie arrange bien ceux que l'on appelle communément les adultes. Il me semble que l'on se cache derrière un concept pour éviter de se poser les mauvaises questions. En clair je dirais que les "adultes" ont inventés l"adolescence afin de réprimer les sentiments libertaires, romantiques, existentiels de la génération qui leur succède. ceci afin de rejeter ces sentiments qu'ils se sentent coupables d'avoir abandonné pour se conformer à une certaine résignation, ou en adoptant des certitudes plus confortables et qui rendent leur vie plus stable.

Le cinéma s'est nourrit de ces adolescences, souvent avec beaucoup de talent, et je ne vais pas cracher sur mon plaisir régulier de voir certains de ces films. Toutefois j'ai parfois le sentiment que l'adolescence est un prétexte, que les adolescents sont au mieux fantasmés, au pire instrumentalisés dans certains films. Bref, lorsque ces films semblent s'insérer dans ce qui devient un genre je suis assez irrité.

Récemment ma soeur est venue passer quatre jours à Paris avec trois de ses copines. Je les ai accueillies avec plaisir, malgré une certaine appréhension. Je redoutais sans doute de me sentir bien loin de ses jeunes filles du "haut" de mes trente ans.
Au fil des discussions je me suis aperçu que la distance n'était pas si grande entre nous (ouf! comme ça fait du bien à l'ego!) et j'ai constaté que ces jeunes filles n'avaient pas le sentiment de vivre une période si difficile. Je ne pense pas qu'elles aient cachée le trauma par pudeur, leurs réactions semblaient sincères. Tout juste je sentais qu'au-delà de goûts, d'une certaine culture commune qui les lient il y a bien tout de même chez elles le sentiment qu'elles sont seules face à leurs problèmes. Mais j'ai senti que cette solitude elles l'assument comme étant la construction de leur individualité. Et que les problèmes auxquels elles peuvent être confrontés ne sont pas si éloignés de ceux vécus actuellement par notre génération (pour le dire vite, une pointe d'inquiétude face au monde et à l'avenir: rien de neuf, quoi).
J'ai vu quatre jeunes filles plutôt joyeuses, douées même d'une bonne dose d'auto-dérision et pas dupes de leurs consommations (clips, films, magazines, vêtements, etc...). Pas une seconde je n'ai senti des sentiments sombres (furent-ils d'un romantisme sombre) ou haineux de leur quotidien.
Une chose m'a marqué cependant: l'évocation d'un certain "ennui". L'ennui de ne pas pouvoir être libre de leurs mouvements et l'ennui souvent éprouvé dans le milieu scolaire. Quand on repense à sa propre "adolescence" on se dit qu'il n'y a rien de nouveau... Sauf peut-être que cet ennui constaté semble assumé, vécu comme inhérent à leur condition de lycéennes, à la période. Nul sentiment de révolte sous cet ennui exprimé le plus naturellement du monde, au contraire on sent une forme de patience (de fatalité dirait les plus pessimistes).
Peut-être est-ce là juste ce qui nous différenciait... Elles vivent cet ennui comme un passage obligé, une expérience à vivre, alors qu'il me semble me souvenir en avoir été révolté et donc malheureux (toutes proportions gardées).
Et finalement je me disait que cet ennui venait peut-être plus du regard que nous "adultes" (?) posions sur eux. Comme si c'était à cause de cette "maladie" de l'adolescence que nous avions inventé qu'elles éprouvaient de l'ennui. Et qu'il ne tenait qu'à nous de les regarder différemment, de les accepter comme faisant partie de notre "monde", en leur faisant confiance, en leur parlant d'égal à égal que cet ennui pouvait s'effacer et repousser la "maladie".

FICTION (10)

Chère AA, (bien que je ne sois pas sûr de votre sexe)

Vos commentaires me manquent. Je vois bien que vous tournez autour, que vous hésitez à donner votre avis. Une idée vous vient, une réaction vous démange et puis non, vous vous retenez.
Je le regrette.
Même si j'en convient je ne suis pas très prolixe actuellement, trop (pré)occupé par ailleurs.
pourtant moi aussi je suis tenté d'écrire des choses ici. Mais je me retiens souvent parce que je sais qu'il faudrait les développer longuement et que cela me prendrai un temps que je n'ai pas forcément.
Donc je m'abstient au risque de vous décevoir chère AA, ainsi que quelques autres.
Veuillez m'excuser.
Je vais essayer de me rattraper très prochainement.

Cordialement,


dimanche 2 novembre 2008

La fin de l'Empire blanc

A quelques heures de la fin d'une campagne électorale américaine qui est d'ores et déjà historique, quelle que soit l'issue du scrutin, me vient le sentiment que nous vivons la fin de l'Empire blanc.
La concomitence entre ces élections et la crise financière signe à mon avis la fin de la domination blanche sur la planète, la fin d'un "modèle": celui de l'homme blanc (occidental disons), capitaliste, colonialiste. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, entendons-nous!

09/11
Le premier signe est intervenu le 11 septembre 2001 lorsque l'Amérique est attaquée pour la première fois sur son territoire et découvre sa soudaine vulnérabilité. Les attentats sur le World Trade Center et surtout l'effondrement des tours en direct, devant le monde entier, montrait une Amérique à genoux. D'abord parce qu'il s'agissait d'un symbole qui était touché. Le symbole d'une Amérique triomphante, capitaliste et arrogante.
La défaite (il faut bien finir par employer ce terme) de la guerre menée en Irak mais aussi en Afghanistan. Soit la première défaite, depuis le Vietnam, de la première armée du monde. 
L'Amérique doute, sa suprématie militaire est remise en cause.

Accélération
Alors que l'Amérique se préoccupe de sa propre sécurité et tente d'exporter en Irak ce qu'elle appelle la démocratie, d'autres pays se réveillent. Ainsi l'asie (la Chine et les autres dragons) mais encore l'Inde deviennent des puissances économiques considérables. A tel point que ce sont ces pays qui tirent la croissance mondiale (et surtout celle de l'Amérique) en finançant les restes de croissance dont elle jouit.
Durant les deux mandats de George W. Bush l'Amérique tente vainement de conserver sa place de gendarme du monde au moyen-orient (Israël, Irak, Iran). Durant cette décennie les Américains ont vu leur influence diminuer et le dollar s'affaiblir face à l'euro et au yen.
Le spectre de la guerre froide revient même pointer son nez avec le projet de bouclier anti-missiles et l'incapacité des Etats-Unis à contrer les projets de la Russie en Ossétie du nord.
Ca se confirme l'Amérique n'a plus la main.

La crise
La crise financière ne mettra pas fin au capitalisme - il ne faut pas se faire d'illusions - ni même aux excès de la finance. Tout juste y aura-t-il une période où les spéculateurs vont faire profil bas, prendre moins de risques. Mais cette crise venue d'Amérique vient de semer le doute sur le modèle économique qui a permis à l'Amérique de dominer le monde. Ce sont bel et bien les spéculateurs, les hommes d'affaire en grande majorité blancs de peau qui viennent de perdre les repères financiers et économiques qui guidaient leur vie. D'autant que l'administration Bush n'a pas sû réagir aussi rapidement qu'il l'aurait fallut, donnant encore le signe d'une Amérique dépassée, se raccrochant à la croissance des pays d'asie voire de la veille européenne.
Parenthèse: souvenons-nous de Batman, the dark Knight, "I am not a hero"...
L'Amérique perd sa suprématie financière.

Obama!
L'insconscient des américains a peut-être parlé en permettant à un homme noir d'avoir une chance d'être président des Etats-Unis, comme si les américains avaient sentis que le modèle du blanc capitaliste (parfaitement incarné par McCain) touchait à sa fin.
Bien sûr Barack Obama sera un symbole pour les millions d'américains de couleur, même si au fond Obama est tout de même un défenseur du capitalisme. Mais l'accession d'Obama au pouvoir montrerait pour la première fois que l'Amérique se réconcilie avec son histoire et avec le reste du monde en acceptant d'être dirigée par un noir. Se serait le signe de la fin de l'empire blanc tout puissant puisque le monde va devoir s'habituer à voir l'asie, l'Inde et peut-être l'afrique tenir les rênes économiques de la planète.

Demain
Les politiques n'osent pas nous le dire mais il le savent bien: la domination occidentale blanche est proche de la fin. 
Le pouvoir économique est d'ores et déjà en asie, et va s'ajoutter à leur supériorité démographique. Tandis que la population européenne vieillit et que nos pays vont se transformer en immenses maisons de retraites, nous sommes condamnés à ne représenter qu'une toute petite partie de la population mondiale, dépendante des biens de consommations produits en asie, en Inde, en afrique. Et il faudra donc accepter que nous ne représentions que peu de chose politiquement. L'amérique et l'europe blanches, arrogantes, dominant le monde ne sera bientôt qu'un passage de l'histoire.

Obama président!
Malheureusement on peut aisément imaginer que pour une partie de la population blanche nostalgique du XXème siècle il sera assez vite insupportable de voir un noir à la tête des Etats-Unis. Obama, mélange entre Kennedy et Martin Luther King, sera assassiné. Je le crains.
Parce qu'une bonne partie de l'Amérique ne supportera pas de voir le pays dépassé par d'autres puissances et qu'un discours revanchard blanc verra le jour.
A ce moment là, l'Amérique, formidable machine à créer les tragédies ou les contes de fée, redécouvrira cette image où lors d'un meeting Barack Obama a fait une gaffe prémonitoire: "Je vous présente le futur président des Etats-Unis, Joe Biden"...


jeudi 30 octobre 2008

La Vie moderne

La Vie moderne de Raymond Depardon est le dernier volet de Profils paysans. Ce dernier volet, au titre ironique, un peu mordant, est extrèmement émouvant et parfois aussi très drôle.
C'est un film étonnant, surprenant pour le spectateur tant il rare de voir les paysans filmés de cette façon. Depardon, parce qu'il connaît ceux qu'il filme, nous montre ses paysans comme rarement au cinéma ou à la télévision.
Ici pas de clichés rassurant sur nos belles campagnes campagnes française comme les affectionnent à la fois les téléspectateurs du journal de Pernaut ou les bobos parisiens. Depardon visite un territoire abandonné en ayant l'humilité de ne pas jouer le spécialiste. Depardon sait qu'il faut filmer avec délicatesse, prendre son temps. Ou plutôt accepter le temps, la durée, le rythme de ceux qu'il filme.
Depardon les filme tels qu'ils se présentent: bavards, silencieux, coopératifs ou en retrait. S'il insiste parfois sur certaines questions on ne sent pas le malaise habituel que peut provoquer un journaliste. Depardon est comme eux, il laboure son sujet avec amour et confiance, en sachant que le temps joue en sa faveur. Et c'est de cette façon qu'il permet à ces paysans de rester eux-mêmes sans jamais donner le sentiment que l'image leur à été volé. Ils restent maîtres en leur terre. Ainsi même lorsque Depardon étire ce gros plan sur Marcel Privat dans ses derniers jours de vie, le paysan fait face à la caméra comme il fait face à la mort: avec tranquilité et force.
Depardon filme aussi les jeunes qui ont choisis de reprendre une exploitation. Là le langage est différent, ces agriculteurs (oui, il semble difficile d'appliquer le terme "paysan", quelque chose à changé) sont dans la conscience de l'image qu'ils renvoient et deviennent pour le coup moins intéressants, plus méfiants. Mais cet écart en dit beaucoup justement sur ce qui sépare les paysans et les agriculteurs.
Plus qu'un écart générationnel, on ressent qu'un lien s'est perdu entre ces agriculteurs et le paysage, la terre. Mais Depardon ne s'attarde pas sur ce constat, il ne juge pas, n'en tire pas de conclusion. La nostalgie n'est pas son affaire.
Pourtant on sent dans ce film la fin d'un monde, la fin d'une vision de ce même monde.
C'est en creux que ce sentiment travaille le film: dans ces longs travellings dans la campagne accompagnés par la musique de Gabriel Fauré.

La Vie moderne est un film important ne serait-ce que parce qu'il pose un regard juste sur ces hommes et femmes qui vivent encore en ce moment en France et qui sont totalement absents (en tous cas avec cette justesse) de notre époque. Parce qu'ils sont d'une autre époque? Non je ne crois pas. Car ils ne se sont pas mis à l'écart, ils suivent l'actualité, ils ont une connaissance du monde contemporain même s'ils l'observent de plus loin que nous.
Mais je crois que le paysan est tout simplement devenu un indésirable. Comme s'il était devenu une figure de l'ancien monde. ce monde que nous avons quitté avec l'entrée dans la mondialisation. Le paysan a été figé dans un personnage réactionnaire par la télévision notamment.  Le paysan est aujourd'hui jugé inculte, rétif au progrès, conservateur.
Dans le même temps s'est construit une image plus flatteuse de l'ouvrier. Et ces deux figures onté étées opposées par les médias. Le paysan réactionnaire et obligatoirement de droite contre l'ouvrier ayant une conscience politique, de gauche.
Aujourd'hui on se dit plus aisément fils ou petit-fils d'ouvriers, comme étant issus des luttes sociales, plutôt que comme fils ou petit-fils de paysans. Sans doute parce que l'on a idéalisé le rôle de la classe ouvrière en mai 68. Alors que si l'on se penche sur les faits la classe ouvrière n'était pas exactement porteuse des mêmes idées que les fils bourgeois qui bloquaient la Sorbonne. En 68 les paysans ont sans doute un peu regardé passer la "révolution". Et le mouvement du Larzac dans les années 70 a été bien vite rangé dans la mouvance hippie-écolo. Alors qu'il portait, avec ses excès, un certains nombres d'idées qui aujourd'hui sont devenues des outils de la prise de conscience écologiste.

Ces paysans s'effacent, meurent aujourd'hui dans l'indifférence générale. Aussi parce qu'ils ont la pudeur de ne pas élever la voix, conscient que le monde est déjà passé à autre chose.
Pourtant ce sont eux qui ont nourris la France pendant des décennies, faisant du blé, du tabac, du maïs, de la vache à viande selon les prérogatives du ministère de l'agriculture afin de remplir les estomacs bourgeois. Ils ont obéit, docilement, faisant leur métier sans connaître le goût des vacances (tandis que les ouvriers connaissaient les congés payés), sans le repos du dimanche, sans avoir jamais quitté leur canton. Et tout ceci pour des salaires misérables et une retraite qui aujourd'hui ne dépasse pas les 400 € par mois.
Dans le même temps les médias sont aller visiter les ouvriers en retraite, les immigrés des années 60, les jeunes de banlieue. Ceux-ci sont certainement plus télégéniques.
Le silence de Marcel Privat n'intéresse pas la télévision. Et Marcel Privat le sait mais il reste digne et s'éteint sans plainte.

lundi 27 octobre 2008

FICTION (9)

Retrouverons-nous le désir d'affronter à nouveau la rue, le monde?
Et ainsi retrouver, parmi ces corps inconnus, celle qui fera de nous, à nouveau, un brasier.
Afin de brûler, d'enflammer nos vies et ce monde qui finit.
Mon ami, le moment du choix approche. Mourir ici ou gagner l'ombre. Pour renaître et que par milliers nous provoquions l'étincelle, et que tout flambe!

mardi 21 octobre 2008

Courir

Courir, le dernier roman de Jean Echenoz est certes beaucoup moins beau, moins fort que son précédent, Ravel.
Pourtant, comme pour Ravel, il s'agit plus de l'évocation d'un personnage ayant réellement existé que d'une biographie. 
Mais cette fois-ci on est un peu moins pris.
Peut-être parce que le personnage est moins intéressant, d'ailleurs ne s'efface-t-il pas sur la couverture du livre derrière cette action, Courir? Parce qu'Emile Zatopek, le "héros", est plus en retrait, en retrait de tout. Sa seule fonction, allais-je dire, est de courir, d'un bout à l'autre du livre.
Emile Zatopek est ouvrier aux usines Bata, en Thécoslovaquie, à la veille de la seconde guerre mondiale. Et chez Bata on fait courir les ouvriers lors d'un marathon annuel. Emile aimerait mieux ne pas être obligé d'y participer, mais Emile est docile et accepte. Et puis les jours suivants il se surprends à aller de chez lui à l'usine en courant, et il découvre qu'il aime bien courir. Bientôt il va courir dans tous les meetings du pays puis devenir une sorte de héros national communiste à travers le monde.
Echenoz commence le livre au moment ou Emile découvre ce plaisir innatendu jusqu'au déclin et la fin de sa carrière sportive. J'ai dit "plaisir", c'est un bien grand mot car Emile ne témoigne jamais de son plaisir; il court, voilà tout. Et Echenoz de décrire par le menu toutes les compétitions, les différents types de courses auxquelles Emile participe. Avec un égal traitement, que ce soit des victoires ou des échecs.
Bien sûr on apprend bien ici et là des petites choses sur la vie d'Emile: ce qu'il aime, ce qu'il pense, à quoi il rêve. Mais Emile reste assez opaque, fidèle à ce qu'il devait être réellement: un homme fait pour courir, rien de plus. Evidemment cela convient bien à l'écriture tranquille et simple de Echenoz, à cette façon de traverser les lieux avec discrétion. Donc on a du plaisir à suivre Emile pour peu que l'on aime la musique Echenoz. Il y a quelque chose d'obstiné, comme le personnage, à accomplir chaque course, donc chaque chapitre: consciencieusement. Comme la course de fond, c'est de l'écriture de fond.
Mais il y aussi toujours cette petite pointe de distance, d'humour d'Echenoz, comme là: 
Il écoute les discours d'ouverture sans les comprendre, tout en contemplant distraitement les drapeaux nationaux qui flottent ou bien qui pendent - j'ignore si le vent souffle ce jour-là.
Il ne peut résister à préciser qu'il ne sait pas s'il y a du vent ce jour-là... comme pour être précis et à la fois drôlatique.

Ravel et Courir font visiblement partie d'un tryptique. Donc un autre évocation, plutôt que biographie, est à venir. Et moi je parierai bien sur un personnage de scientifique. Réponse dans deux ou trois ans.
En attendant pour découvrir Echenoz je conseille très fortement Ravel ou encore Les Grandes blondes.

jeudi 16 octobre 2008

mercredi 15 octobre 2008

Retomber en enfance

Leos Carax, sur DVDrama, alors que son film Merde sort aujourd'hui:

"En ces temps de terreur, il semble que, tous, nous retombons en enfance - tout petits, seuls dans le noir, paralysés et sidérés. Où sont passés les pères? On se retourne, ils ont disparus. Terroristes et terrorisés, tous des enfants. Les uns font des rêves adolescents où ils baisent des vierges aux cieux, les autres se font gouverner par des morveux gâtés."

Au garde à vous!

Il y a un petit moment que je voulais en parler ici, même si le sujet peut sembler sans importance, il faut que je le déverse ici.
Je pensais être le seul à avoir remarqué le gilet jaune sur le dossier des fauteuils de voitures... je me disais que je faisais un brin de paranoïa, une fixette. Venant de découvrir par hasard plusieurs groupes sur Facebook, dont un intitulé: "Contre les cons qui mettent leur gilet jaune de sécurité sur les sièges", je me lance.
L'épidémie à commencée au début de l'été, très peu de temps après l'annonce du futur décret obligeant les conducteurs à posséder dans leur voiture un gilet jaune de sécurité et un triangle.
Dans mon quartier j'ai très vite remarqué que de nombreux conducteurs affichaient ostensiblement leur gilet jaune sur le siège de leur voiture. Dans ma rue j'en comptait très vite plusieurs dizaines. En me baladant je remarquait de plus en plus cet horrible accessoire et je me disais que décidément les français étaient vraiment devenus très cons pour mettre cet affreux gilet bien visible et ainsi prouver leur zèle à la police.
C'est en effet un réflexe pour tenter de prévenir un éventuel contrôle de police en affichant sa docilité. D'ailleurs au moment où les médias ont évoqué le décret des millions de français se sont rués, le samedi après-midi, sur le fameux kit de sécurité: gilet jaune + triangle.
Et pourtant on leur avait dit qu'il n'y avait pas urgence puisque les amendes ne seraient appliquées qu'en octobre! Mais ils se sont jetés sur l'accessoire comme de bons soldats. Ils étaient même désespérés de ne plus en trouver en magasin!
Et très vite ils le posaient sur le siège de la voiture, le portaient pour certains sur eux en conduisant! Et tous d'un air de dire aux autres: "Je suis un bon citoyen, moi, j'ai conscience qu'on ne rigole pas avec la sécurité".

Cet immonde gilet prouve une fois de plus que la bêtise avance à grande vitesse dans ce pays. Un ordre, une menace de contravention et hop tout le monde au garde à vous!
Rassurez-moi, vous aussi vous avez remarqué, vous aussi vous en tirez les mêmes conclusions...!

vendredi 10 octobre 2008

FICTION (8)

Nous nous sommes quittés il y a presque 13 ans, au moment où nous sortions du lycée, au moment où nous entrions vraiment dans nos vies. A ce moment précis où sans en avoir conscience on commence une décade où l'on va vérifier, mettre à l'épreuve nos envies d'adolescence.

13 ans plus tard, c'est une sorte de hasard qui nous fait nous retrouver. C'est assez banal en fait mais cela prends aux yeux de l'un et de l'autre l'allure d'un événement exceptionnel, inespéré. On s'étonne du bien que cela procure.
Et c'est avec des mails, comme on le faisait autrefois avec des lettres, que l'on se raconte. Que l'on tente de résumer, de combler ce delta de 13 années passées sans ne rien savoir de l'un et de l'autre. 

Et le véritable événement, le véritable miracle c'est de retrouver, à travers les mots, et malgré les années passées une complicité, une confiance que l'on croyait perdue. On entends à nouveau la voix de l'autre à travers ses mots, ses expressions.
 
Et puis ce sont les photos. Et l'on retrouve, miracle, une expression ou un regard que l'on aimait sur le visage de l'autre. L'adolescence est encore là, caché dans ce visage de femme, d'homme. Une inquiétude s'est creusée au coin de la bouche ou de l'oeil mais l'essence de ce moment où nous nous sommes connus est visible pour qui a vu, connu ce moment.

On repense à ces matins d'hiver, où l'on se retrouvait dans la cour du lycée après un long week-end, la buée sortant de nos bouches, heureux de nous revoir.
En décembre 2008, à Paris, il fera froid et sec c'est sûr, et l'on tremblera mais pas de froid. Ce sera la peur et la joie mêlée de retrouver un être important et qui manquait.

mercredi 8 octobre 2008

Traders

Extraits du roman Cendrillon de Eric Reinhardt (Stock - Septembre 2007):

L'auteur rencontre David Pinkus, trader à Londres, pour se documenter sur un personnage de son roman.

"Eh bien tu vois, Vincent, trente-deux ans, français, il travaille à Londres dans un hedge fund, il pourrait très bien t'en parler, il fait ça toute la journée. David Pinkus s'essuie les lèvres avec une serviette en papier. Il cartonne. Il est très fort. Il a gagné 5 dolls cette année. - 5 dolls? j'interroge David Pinkus. Qu'est-ce que c'est 5 dolls? - Oui, pardon, 5 millions de dollars. - 5 millions de dollars? Tu veux dire que son activité de trader lui a rapporté, à lui personnellement, 5 millions de dollars? Je suffoque. - Tu as l'air étonné. - Si je suis étonné? Tu me demande si je suis étonné? Je n'ignorais pas que les traders gagnaient beaucoup d'argent. En revanche je n'avais pas imaginé qu'il s'agissait de sommes faramineuses. A trente-deux ans. Des gens normaux. Je veux dire: pas des industriels. Je veux dire: pas des créateurs. je veux dire: pas des génies. J'avais toujours imaginé qu'il fallait être exceptionnel pour gagner énormément d'argent: avoir une idée fabuleuse, anticiper une tendance lourde, inventer quelque chose d'incroyable, créer une marque, posséder des usines, des magasins, etc. Mais pas s'asseoir chaque matin, titulaire d'un diplôme prestigieux, devant un écran d'ordinateur. - C'est la norme dans les hedge funds. moi aussi j'ai gagné 5 millions de dollars cette année. Et ma femme également. ca fait quatre ans qu'on gagne en moyenne 5 millions de dollars chacun. (...) Nets d'impôts cela va sans dire. - Nets d'impôts? - les hedge funds sont off-shorés."

"Le travail n'est pas suffisamment rémunéré. Pourquoi j'irai me faire chier à travailler dix heures par jour dans une multinationale en gagnant à tout casser 200 000 euros par an alors que je gagne 5 dolls par an en spéculant sur les actions de cette même entreprise! C'est lumineux ce que raconte David Pinkus. - Et toi tu penses qu'on va droit dans le mur... - Aucun patron du CAC 40 n'est rémunéré comme je le suis. Il n'y a pas une anomalie? Ca va faire mal le jour où ça va craquer."

"D'un côté tu as les gens qui s'enrichissent d'une manière éhontée, comme les traders, les investisseurs, les actionnaires, et de l'autre tu as les gens qui gagnent peu ou raisonnablement, les cadres, les salariés, les classes moyennes, qui ont peur de la précarité du déclin, du chômage. Le monde se divise en deux camps dont l'importance est inversement proportionnelle aux revenus qu'ils génèrent. Jamais l'écart de revenus n'a été aussi criant entre ceux qui appartiennent à l'autre camp. Et ça va finir par se savoir. Ca va finir par s'ébruiter. Ca va finir par se répandre dans l'opinion. Pour le moment on parle seulement des parachutes dorés et des stock-options de certains dirigeants. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt! (...) Le jour où ça va péter, le jour où une crise plus aiguë qu'une autre va faire descendre dans la rue des millions de salariés exaspérés issus des classes moyennes, aigris, écoeurés, désespérés, les premiers à qui ils seront tenté de s'en prendre ce sera nous. Ce sera moi. Ce sera Vincent. Ce sera Steve. Ce seront les familly offices. Les investisseurs. Les milliardaires qui investissent dans les hedges funds. Nous finirons avec nos têtes plantées au bout d'une fourche. (...) Je comprends très bien que le peuple il ait envie de m'assassiner."

dimanche 5 octobre 2008

FICTION (7)

Parfois lorsque je m'endormais contre elle, j'imaginais que nous n'étions pas à Paris. 
J'imaginais que nous étions dans un chalet en montagne. Au dehors il neigeait, la grêle battait les vitres, le vent tourbillonnait dans la charpente. J'imaginais que nous avions trouvé ce chalet après avoir marché longtemps dans la forêt, en pleine nuit, et que nous y étions entrés par effraction.
Le chalet était petit, d'un confort modeste mais suffisant. Nous avions fait un feu.
Nous nous étions réfugiés là, fuyants je ne sais quel cataclysme, épidémie ou guerre, pour nous sauver du monde. Là personne ne nous trouverait plus jamais mais curieusement cette pensée me rassurait.
Commençait alors une période d'une durée indéterminée durant laquelle nous allions vivre comme bon nous semblait. Nous nous lèverions parfois très tôt, nous réchaufferions un peu de café dans une casserole tandis que la brume envelopperait le chalet. Nous dormirions jusque tard dans la journée et soufflerions sur les braises grises de la cheminée.
Bientôt nous ne parlerions plus, n'ayant rien à raconter du dehors, rien à commenter, rien à détester. 
Les mots nous seraient alors inutiles et nous en perdrions peu à peu la signification.

jeudi 2 octobre 2008

Depardon dans Les Cahiers du cinéma

Deux mois après la couverture fashion-jeune-bcbg avec Louis Garrel c'est un paysan qui fait la couverture des Cahiers du cinéma. Et ce contraste me plaît bien.

Dans Les Cahiers il est ce mois-ci question de La Vie moderne de Raymond Depardon. On y trouve une longue interview de Depardon et sa complice et ingénieur du son, Claudine Nougaret.
Depardon parle assez peu du film finalement, en tous cas assez peu directement, préférant parler technique. La technique de production du film, la technique de la caméra, la technique de la prise de son. Il faut dire que Jean-Michel Frodon qui fait l'interview l'y encourage un peu comme s'il découvrait qu'un film se fait avec des trucs comme une caméra, une perche, etc...
Et c'est tellement agréable de lire Depardon qui parle de tout ça, c'est très concret, ça dit plein de choses sur son film, sa façon de conçevoir le film. Depardon, homme de la terre, ne part dans des explications théoriques qui sentent la pose. Non, il parle comme un paysan va vous dire qu'il vaut mieux utiliser tel motoculteur là et tel autre ailleurs. Et bien sûr il y a de l'amour dans tout ça. L'amour de son métier, l'amour du "bricolage".
Depardon passe par la technique pour expliquer son évolution en tant que cinéaste, un peu comme d'autres sont passés du muet au parlant et ont fait évoluer leur mise en scène. Depardon est en prise directe avec son métier, fait de technique, d'outils et reconnaît humblement que c'est la technique qui le fait évoluer. Et non pas de fumeuses considérations pseudo philosophiques comme c'est le cas bien trop souvent chez certains cinéastes.

Je reviendrais plus tard sur le film, que j'ai vu à Cannes, sur le superbe écran d' Un Certain regard (Depardon en parle dans Les Cahiers d'ailleurs).
Je vous dirais combien j'aime ce film, le bien qu'il m'a fait.

Et puis entendre parler des paysans ça nous changera un peu des banquiers flippés et des lycéens bégaudeauisés...
Et puis comme je viens un peu de là, je les aime et je les comprends ces vieux paysans que filme si bien Depardon.

mercredi 1 octobre 2008

FICTION (6)

Elle m'a dit: "Il y a quelques années je réfléchissais plus vite, j'étais en quelque sorte plus intelligente".
Elle a 32 ans. Elle est, me semble-t-il, très intelligente.
D'autres auraient dit: "Il y a quelques années j'étais plus belle".
Elle est belle de toute façon. plus belle? Moins belle que quelques années auparavant? Plus véloce intellectuellement ou moins qu'il y a quelques années?
Je ne sais pas. Disons que lorsqu'elle avait 20 ans (c'est à cet âge qu'elle faisait référence) je ne la connaissait pas. Je le regrette, non pas pour la beauté ou l'intelligence, pour son amitié simplement.

Cela m'a paru étrange de dire une chose pareil. Et pourtant c'est sans doute assez juste, assez logique, physiologiquement parlant. Mais à son âge on dit rarement ça.
Ca m'a plu. Ca m'a ému.

Je la regardais: je la trouvais belle et intelligente depuis que je la connaissait. Je m'imaginais un instant la connaître plus belle et plus intelligente encore. Plus brillante, plus étincelante. Je regrettais de ne pas avoir connu ses 20 ans, pour en être ébloui.

Elle m'a dit ça avec une simplicité, une humilité et presque de la culpabilité. C'était désarmant.
Elle se sent vieillir, à tout point de vue, et elle ne semble pas trouver ça révoltant, mais plutôt dégueulasse, dégoûtant. C'est ça j'ai l'impression qu'elle se trouvait dégoûtante, qu'elle avait honte.

Je lui suis reconnaissant d'une telle humilité. son amitié n'en est que plus précieuse.

Souvent quand je la regarde (surtout lorsqu'elle est de profil) je vois cette beauté soumise à la vie, un air triste et résigné avec un sourire comme excuse.

dimanche 28 septembre 2008

Selon Matthieu

Revu Selon Matthieu de Xavier Beauvois.
Je n'avais vu le film qu'une fois à sa sortie en 2000.
C'est peut-être le film de Xavier Beauvois dont la mise en scène est la plus fluide, la plus apaisée voire la plus maîtrisée.
Ca commence par des vues aériennes de la Normandie: les falaises, les maisons bourgeoises, la mer, puis des usines, puis la forêt. On plonge dans cette forêt pour une chasse organisée par le patron de l'usine où travaille Matthieu (Benoît Magimel), son frère, son père. Beauvois filme la battue puis l'attente avec une tension calme qui va parcourir tout le film. A l'issue de la chasse apparaît, de loin, la femme du patron (incarnée par Nathalie Baye), celle qui sera plus tard l'objet de la "chasse" de Matthieu.
Puis c'est l'usine. Une usine impeccable, propre, presque silencieuse. On y travaille avec des tee-shirts siglés au nom de l'entreprise, on pilote des machines outils avec des ordinateurs, on contrôle une pièce avec minutie. Une usine comme on en voit peu dans le cinéma français, loin de l'usine de cinéma, une usine d'aujourd'hui: chirurgicale, luisante, affûtée, tranchante... comme le sera d'ailleurs le licenciement du père.
La faute du père. Elle est montrée par Beauvois en un plan: un travelling léger, lent où le père allume une cigarette tranquillement. Dans ce plan on distingue un panneau d'interdiction de fumer, puis le patron de l'usine qui fait fait visiter les lieux. Dans ce seul plan, simple, mais tendu, précis, affûté le drame se noue. La faute est commise.

On sait à partir de là que nous sommes dans une tragédie, comme toujours chez Beauvois d'ailleurs, où chaque plan porte en lui tout la trame du drame. La mort, le gâchis sont à l'oeuvre.

Puis c'est le mariage d'Eric, le frère de Matthieu. Une longue et belle séquence où Beauvois saisit ici et là les temps forts d'un mariage de province comme si nous étions des lointains cousins conviés à la fête: la sortie de l'église, l'apéritif, le discours de la mariée, la jarretière, le bal.
Ici on prends son temps, comme on s'ennuie dans un mariage, comme on observe lorsqu'on s'ennuie. Même si Beauvois ne cache pas son plaisir de filmer ces moments si convenus d'un rite qui disent tant de la France, de ses traditions.
Seul Matthieu se rend compte que le père, le patriarche, le chêne se meurt au fond de la salle des fêtes. Et ce superbe plan où le père est à table, le regard dans le vague et ne voit pas ceux qui à quelques mètres lui proposent de trinquer. Le père, prostré, blessé, ruminant l'humiliation du licenciement. Et puis cette scène entre la père et Matthieu sur le parking de la salle des fêtes, où le père lui donne la lettre de licenciement et verbalise, constate la fin d'un monde pendant que derrière on chante, on danse, on boit, on oublie.

Beauvois prends acte de la défaite des syndicalistes, de la bêtise du directeur des ressources humaines, de la fin des relations sociales dans l'entreprises en quelques scènes. Il n'y a plus de collectif, il ne reste que des individus, il ne reste plus que la vengeance. La vengeance comme toute tragédie.

Matthieu va se venger en séduisant la femme du patron, en allant embrasser la bourgeoisie au plus près, en allant au plus près des bourreaux et en se laissant lui aussi séduire.
Et c'est même la femme du patron qui fait la leçon tranquillement à Matthieu en lui expliquant ce qu'est la mondialisation. Le ton est celui de la conversation à l'heure du thé, au moment où la brume s'abat sur la Normandie. Elle explique qu'il faut délocaliser en Corée pour rester concurrentiel, et Matthieu d'essayer de protester. Et elle de le calmer de son sourire, lui faisant presque croire qu'elle aussi (et sa classe sociale) est la victime de la mondialisation, de sorte que les deux amants sont à égalité, là, au milieu du salon feutré de la maison bourgeoise. Ils boivent le champagne, le dernier verre du condamné.
Cette scène est aujourd'hui un tantinet daté puisqu'on ne parle déjà plus (huit ans après) de la Corée mais de la Chine et bientôt qui sait de quel pays? Ce qui était encore en 2000 une démonstration est aujourd'hui une évidence tant le processus de la mondialisation est connu de tous. Cela rend aujourd'hui cette scène désuète, mais elle reprendra de la force dans quelques décennies, revenant sur les prémices de la mondialisation, elle fera de Selon Matthieu un témoignage de ce moment où ouvriers et patrons occidentaux prennent conscience du début du naufrage. Cette scène fera, avec le temps, de Selon Matthieu un classique.

mercredi 24 septembre 2008

FICTION (5)

120 minutes face à l'océan. Juste le temps d'oublier cette sensation d'être arrivé au bout du monde. Juste le temps d'apprécier toute l'étendue mouvante de cette masse d'eau qui s'avance lèche les pieds et reflue et revient et... Et qui pourrait me happer, m'engloutir.
Juste le temps de penser, comme à chaque fois et comme une sensation nouvelle, à l'immensité, à la profondeur, à la puissance de cette eau qui gonfle, se dilate, se contracte.  Penser à la vie qui s'y cache, à ses beautés colorées, à ses monstres rugueux, à ses cellules qui palpitent.
Regarder ce paysage inchangé, intact depuis des millénaires. Ce même paysage qu'ont regardés l'homme de néanderthal ou Christophe Colomb. Garder au fond des yeux cette image qui nous fascine depuis des millénaires. Penser aux naufragés, au baiser salé du dernier souffle. Se mesurer à cette force. Contempler le berceau de la race. Se caler un moment sur le rythme de la planète.  
Prendre un peu de sa force et repartir à sa vie.

vendredi 19 septembre 2008

Télérama cite Godard qui cite Bazin?


Avez-vous remarqué l'accroche de l'affiche de La Belle personne de Christophe Honoré?

"Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs" Télérama

Il est assez stupéfiant que l'affiche utilise cette phrase éculée, très connotée, et qu'en plus elle soit attribuée à Télérama!
Cette phrase ouvre rappelons-le Le Mépris de Jean-Luc Godard.
Cette phrase est souvent attribuée à Godard. Mais Godard l'attribuait à Bazin. 
Pourtant il semblerait que cette phrase soit de Michel Mourlet qui avait écrit: Le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs (dans son article Sur un art ignoré, Les Cahiers du cinéma n°98). (thanks Zorra! ;-)

Le distributeur (Le Pacte) n'a peur de rien. Prendre une phrase si célèbre, l'attribuer à Télérama à la place de Godard, ou Bazin. 
Le distributeur est donc un sacré petit malin...
Il a été souvent dit que Christophe Honoré jouait avec le souvenir de la Nouvelle Vague, essentiellement avec Dans Paris et Les Chansons d'amour. Certes.
Mais de là à s'approprier cette phrase venue du Mépris de Godard. Et de plagier quasiment l'affiche de La Chinoise (du même Godard), le sang et l'arme en moins... mais en ne se privant pas de la ressemblance de Léa Seydoux avec Anne Wiazemsky...

Le film, adapté de La Princesse de Clève de Madame de La Fayette, est donc vraiment post-moderne, jusque dans son affiche, jusque dans sa promotion!
Reste à aller voir le film pour s'en faire une idée.