jeudi 13 novembre 2008

L'ennui des adolescentes

Je ne suis pas un grand fan de l'hypothèse qui prétend que l'adolescence est la période la plus difficile de la vie. Sans doute parce qu'il me semble (contrairement à la majorité, qui sans doute embellit ses souvenirs) que l'enfance est plus difficile car on est plus que jamais tributaire de la décision de ses parents sur ce que l'on va faire, manger, voir, entendre, etc... Alors que l'adolescence me semble être la période de l'éveil, de la découverte du monde (aussi laid et/ou beau soit-il). J'ai souvent l'impression que l'adolescence est trop souvent définie comme une maladie et non pas comme - simplement - une courte période déterminante voire libératrice.
Sans doute avons nous trop étés abreuvés des théories de Françoise Dolto (l'adolescent comparé au homard, laissez moi rire) et que l'invention de l'adolescence en tant que maladie arrange bien ceux que l'on appelle communément les adultes. Il me semble que l'on se cache derrière un concept pour éviter de se poser les mauvaises questions. En clair je dirais que les "adultes" ont inventés l"adolescence afin de réprimer les sentiments libertaires, romantiques, existentiels de la génération qui leur succède. ceci afin de rejeter ces sentiments qu'ils se sentent coupables d'avoir abandonné pour se conformer à une certaine résignation, ou en adoptant des certitudes plus confortables et qui rendent leur vie plus stable.

Le cinéma s'est nourrit de ces adolescences, souvent avec beaucoup de talent, et je ne vais pas cracher sur mon plaisir régulier de voir certains de ces films. Toutefois j'ai parfois le sentiment que l'adolescence est un prétexte, que les adolescents sont au mieux fantasmés, au pire instrumentalisés dans certains films. Bref, lorsque ces films semblent s'insérer dans ce qui devient un genre je suis assez irrité.

Récemment ma soeur est venue passer quatre jours à Paris avec trois de ses copines. Je les ai accueillies avec plaisir, malgré une certaine appréhension. Je redoutais sans doute de me sentir bien loin de ses jeunes filles du "haut" de mes trente ans.
Au fil des discussions je me suis aperçu que la distance n'était pas si grande entre nous (ouf! comme ça fait du bien à l'ego!) et j'ai constaté que ces jeunes filles n'avaient pas le sentiment de vivre une période si difficile. Je ne pense pas qu'elles aient cachée le trauma par pudeur, leurs réactions semblaient sincères. Tout juste je sentais qu'au-delà de goûts, d'une certaine culture commune qui les lient il y a bien tout de même chez elles le sentiment qu'elles sont seules face à leurs problèmes. Mais j'ai senti que cette solitude elles l'assument comme étant la construction de leur individualité. Et que les problèmes auxquels elles peuvent être confrontés ne sont pas si éloignés de ceux vécus actuellement par notre génération (pour le dire vite, une pointe d'inquiétude face au monde et à l'avenir: rien de neuf, quoi).
J'ai vu quatre jeunes filles plutôt joyeuses, douées même d'une bonne dose d'auto-dérision et pas dupes de leurs consommations (clips, films, magazines, vêtements, etc...). Pas une seconde je n'ai senti des sentiments sombres (furent-ils d'un romantisme sombre) ou haineux de leur quotidien.
Une chose m'a marqué cependant: l'évocation d'un certain "ennui". L'ennui de ne pas pouvoir être libre de leurs mouvements et l'ennui souvent éprouvé dans le milieu scolaire. Quand on repense à sa propre "adolescence" on se dit qu'il n'y a rien de nouveau... Sauf peut-être que cet ennui constaté semble assumé, vécu comme inhérent à leur condition de lycéennes, à la période. Nul sentiment de révolte sous cet ennui exprimé le plus naturellement du monde, au contraire on sent une forme de patience (de fatalité dirait les plus pessimistes).
Peut-être est-ce là juste ce qui nous différenciait... Elles vivent cet ennui comme un passage obligé, une expérience à vivre, alors qu'il me semble me souvenir en avoir été révolté et donc malheureux (toutes proportions gardées).
Et finalement je me disait que cet ennui venait peut-être plus du regard que nous "adultes" (?) posions sur eux. Comme si c'était à cause de cette "maladie" de l'adolescence que nous avions inventé qu'elles éprouvaient de l'ennui. Et qu'il ne tenait qu'à nous de les regarder différemment, de les accepter comme faisant partie de notre "monde", en leur faisant confiance, en leur parlant d'égal à égal que cet ennui pouvait s'effacer et repousser la "maladie".

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