mardi 21 octobre 2008

Courir

Courir, le dernier roman de Jean Echenoz est certes beaucoup moins beau, moins fort que son précédent, Ravel.
Pourtant, comme pour Ravel, il s'agit plus de l'évocation d'un personnage ayant réellement existé que d'une biographie. 
Mais cette fois-ci on est un peu moins pris.
Peut-être parce que le personnage est moins intéressant, d'ailleurs ne s'efface-t-il pas sur la couverture du livre derrière cette action, Courir? Parce qu'Emile Zatopek, le "héros", est plus en retrait, en retrait de tout. Sa seule fonction, allais-je dire, est de courir, d'un bout à l'autre du livre.
Emile Zatopek est ouvrier aux usines Bata, en Thécoslovaquie, à la veille de la seconde guerre mondiale. Et chez Bata on fait courir les ouvriers lors d'un marathon annuel. Emile aimerait mieux ne pas être obligé d'y participer, mais Emile est docile et accepte. Et puis les jours suivants il se surprends à aller de chez lui à l'usine en courant, et il découvre qu'il aime bien courir. Bientôt il va courir dans tous les meetings du pays puis devenir une sorte de héros national communiste à travers le monde.
Echenoz commence le livre au moment ou Emile découvre ce plaisir innatendu jusqu'au déclin et la fin de sa carrière sportive. J'ai dit "plaisir", c'est un bien grand mot car Emile ne témoigne jamais de son plaisir; il court, voilà tout. Et Echenoz de décrire par le menu toutes les compétitions, les différents types de courses auxquelles Emile participe. Avec un égal traitement, que ce soit des victoires ou des échecs.
Bien sûr on apprend bien ici et là des petites choses sur la vie d'Emile: ce qu'il aime, ce qu'il pense, à quoi il rêve. Mais Emile reste assez opaque, fidèle à ce qu'il devait être réellement: un homme fait pour courir, rien de plus. Evidemment cela convient bien à l'écriture tranquille et simple de Echenoz, à cette façon de traverser les lieux avec discrétion. Donc on a du plaisir à suivre Emile pour peu que l'on aime la musique Echenoz. Il y a quelque chose d'obstiné, comme le personnage, à accomplir chaque course, donc chaque chapitre: consciencieusement. Comme la course de fond, c'est de l'écriture de fond.
Mais il y aussi toujours cette petite pointe de distance, d'humour d'Echenoz, comme là: 
Il écoute les discours d'ouverture sans les comprendre, tout en contemplant distraitement les drapeaux nationaux qui flottent ou bien qui pendent - j'ignore si le vent souffle ce jour-là.
Il ne peut résister à préciser qu'il ne sait pas s'il y a du vent ce jour-là... comme pour être précis et à la fois drôlatique.

Ravel et Courir font visiblement partie d'un tryptique. Donc un autre évocation, plutôt que biographie, est à venir. Et moi je parierai bien sur un personnage de scientifique. Réponse dans deux ou trois ans.
En attendant pour découvrir Echenoz je conseille très fortement Ravel ou encore Les Grandes blondes.

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