mercredi 8 octobre 2008

Traders

Extraits du roman Cendrillon de Eric Reinhardt (Stock - Septembre 2007):

L'auteur rencontre David Pinkus, trader à Londres, pour se documenter sur un personnage de son roman.

"Eh bien tu vois, Vincent, trente-deux ans, français, il travaille à Londres dans un hedge fund, il pourrait très bien t'en parler, il fait ça toute la journée. David Pinkus s'essuie les lèvres avec une serviette en papier. Il cartonne. Il est très fort. Il a gagné 5 dolls cette année. - 5 dolls? j'interroge David Pinkus. Qu'est-ce que c'est 5 dolls? - Oui, pardon, 5 millions de dollars. - 5 millions de dollars? Tu veux dire que son activité de trader lui a rapporté, à lui personnellement, 5 millions de dollars? Je suffoque. - Tu as l'air étonné. - Si je suis étonné? Tu me demande si je suis étonné? Je n'ignorais pas que les traders gagnaient beaucoup d'argent. En revanche je n'avais pas imaginé qu'il s'agissait de sommes faramineuses. A trente-deux ans. Des gens normaux. Je veux dire: pas des industriels. Je veux dire: pas des créateurs. je veux dire: pas des génies. J'avais toujours imaginé qu'il fallait être exceptionnel pour gagner énormément d'argent: avoir une idée fabuleuse, anticiper une tendance lourde, inventer quelque chose d'incroyable, créer une marque, posséder des usines, des magasins, etc. Mais pas s'asseoir chaque matin, titulaire d'un diplôme prestigieux, devant un écran d'ordinateur. - C'est la norme dans les hedge funds. moi aussi j'ai gagné 5 millions de dollars cette année. Et ma femme également. ca fait quatre ans qu'on gagne en moyenne 5 millions de dollars chacun. (...) Nets d'impôts cela va sans dire. - Nets d'impôts? - les hedge funds sont off-shorés."

"Le travail n'est pas suffisamment rémunéré. Pourquoi j'irai me faire chier à travailler dix heures par jour dans une multinationale en gagnant à tout casser 200 000 euros par an alors que je gagne 5 dolls par an en spéculant sur les actions de cette même entreprise! C'est lumineux ce que raconte David Pinkus. - Et toi tu penses qu'on va droit dans le mur... - Aucun patron du CAC 40 n'est rémunéré comme je le suis. Il n'y a pas une anomalie? Ca va faire mal le jour où ça va craquer."

"D'un côté tu as les gens qui s'enrichissent d'une manière éhontée, comme les traders, les investisseurs, les actionnaires, et de l'autre tu as les gens qui gagnent peu ou raisonnablement, les cadres, les salariés, les classes moyennes, qui ont peur de la précarité du déclin, du chômage. Le monde se divise en deux camps dont l'importance est inversement proportionnelle aux revenus qu'ils génèrent. Jamais l'écart de revenus n'a été aussi criant entre ceux qui appartiennent à l'autre camp. Et ça va finir par se savoir. Ca va finir par s'ébruiter. Ca va finir par se répandre dans l'opinion. Pour le moment on parle seulement des parachutes dorés et des stock-options de certains dirigeants. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt! (...) Le jour où ça va péter, le jour où une crise plus aiguë qu'une autre va faire descendre dans la rue des millions de salariés exaspérés issus des classes moyennes, aigris, écoeurés, désespérés, les premiers à qui ils seront tenté de s'en prendre ce sera nous. Ce sera moi. Ce sera Vincent. Ce sera Steve. Ce seront les familly offices. Les investisseurs. Les milliardaires qui investissent dans les hedges funds. Nous finirons avec nos têtes plantées au bout d'une fourche. (...) Je comprends très bien que le peuple il ait envie de m'assassiner."

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