dimanche 14 septembre 2008

Dans la ville de Sylvia


J'ai passé l'après-midi à Strasbourg, à la terrasse d'un café. Il faisait beau, j'ai regardé les filles. J'ai suivit une fille que j'ai crû reconnaître. Je me suis trompé, je crois.
J'étais Dans la ville de Sylvia de José Luis Guerin et c'était bien.

Ne filmer que des nuques, des visages féminins de trois-quart, des filles qui refont un chignon, une tresse. J'ai toujours pensé qu'un tel film serait à la fois agréable à tourner, et agréable à voir. il faudra bien que je le fasse...
Dans la ville de Sylvia c'est un peu de cela. C'est prendre le temps d'observer les visages offerts, assis à la terrasse d'un café, un beau jour d'été. C'est se laisser entraîner par une femme dans les ruelles de Strasbourg qui finissent à ressembler à Barcelone. C'est apprécier les sons de la ville mouvante.

Dans le ville de Sylvia est ce que l'on peut appeler un film contemplatif. Mais le terme, appliqué à un film, est souvent devenu ces dernières années la promesse d'un ennui polit. 
On ne s'ennuie pourtant jamais à observer les visages à cette terrasse de café durant la première bobine du film. cette séquence magistralement mise en scène, d'une bonne quinzaine de minute se déguste à petite gorgées. On suit les micro-histoires d'une table à l'autre, on tente de deviner ce que peut penser tel visage muet et immobile, on saisit les bribes d'une conversation. Assis tranquillement à la terrasse on profite de la tiédeur du soleil, on observe le passage d'un vendeur ambulant, les reflets dans la vitre du café, le bourdonnement du tramway qui glisse un peu plus loin.
Un homme observe, comme nous. Nous savons qu'il s'agit du personnage principal, mais nous ne savons rien de lui. Et tant mieux. d'ailleurs on regrette juste le choix du comédien ou plutôt de son physique de jeune premier romantique, de bellâtre (avec trop de cheveux, à mon avis...), avec cette chemise en lin ouverte sur le torse. On regrette ce choix d'un visage si beau, si lisse, si pur. 

On se laisse entraîner dans la ville, dans les petites rues. A la "poursuite" de cette silhouette qui semble flotter dans la ville. On prends plaisir à croire que l'on comprends la géographie de la ville, et à s'apperçevoir au plan suivant que nous sommes perdus.
José Luis Guerin fait certes le choix de la contemplation, ou disons d'une certaine quiétude, mais sans systématisme. ses choix seraient plutôt rythmiques, musicaux, sensuels. Autant il étire un plan jusqu'à la sortie lointaine du personnage, autant il peut ensuite nous surprendre et couper le plan beaucoup plus tôt par la suite. Il n'y a donc pas de système, il écoute simplement la musique intérieure du film.
On est bluffé par la discrète réussite des déplacements des personnages et des passants (doit-on parler ici de figurants?). Tout glisse, se meut avec délicatesse.
Trop parfois? Peut-être un peu, allez... Si nous étions mauvaise langue on pourrait dire que le film est très "circulation douce" (les vélos, les rollers, les passants, le tramway, quasiment pas de voitures) et qu'il suggère une ville idéale possible, à la Delanoë. Mais là je pinaille.

Il y a encore cette superbe séquence dans le tramway où c'est la ville cette fois qui est mouvante autour des personnages. (j'ai bien sûr pensé au tramway dans Sunrise, et au tramway de Père et fils de Sokourov où Moscou ressemble à Lisbonne)
Elle et lui se tenants à une barre en hauteur (hors cadre) et la ville derrière eux (plein cadre). Et puis ce dialogue (?) superbe entre eux deux. Le seul du film.

Et cette séquence de boite de nuit, sur fond de Blondie (Heart of glass). Belle comme une fin de journée où l'on tente une dernière chance pour trouver un corps aimant.

Et puis il y a ce superbe plan de cette fille de dos, les cheveux soulevés par le vent, comme électrisés. 

Et José Luis Guerin de dire dans le dossier de presse: "C'est un fantasme récurrent chez les hommes. Il y a toujours une passante que nous regrettons de ne pas avoir abordé à un moment de notre vie". A qui le dis-tu! Mais les femmes n'ont pas ce fantasme? Mince alors... nous sommes seuls à regretter?

Je suis prêt à parier que les spectateurs qui étaient dans cette salle du Reflet Medicis, pleine à craquer (!), ont fait comme moi en sortant. Ils ont marchés, ils ont pris le vélo ou le bus. Ils ont profité de la tiédeur des rayons de cette fin d'après-midi pour glisser dans la ville.

Je me suis arrêté sur le Pont au Change. Le soleil sur la nuque. Il y avait une jolie fille accoudée au parapet, à deux mètres de moi. Elle regardait la Seine. Moi aussi. Un regard échangé.
Quelques minutes plus tard elle partait.
Je ne l'ai pas suivit... maybe next time baby...

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